Photographe
J’ai découvert la photo à l’adolescence. Elle a pris imperceptiblement au fil des années une place de plus en plus importante dans ma vie, non seulement en termes de temps, mais aussi et surtout dans ma manière de regarder et d‘accueillir le monde qui m’entoure.
Photographier m’a appris silencieusement à ralentir, voire à m’arrêter et à prendre le temps de regarder, de découvrir ce que je croyais déjà connaître, image arrêtée, fruit d’une émotion forte et d’un instant unique et déjà révolu.
Tout ce qui m’entoure m’apparaît alors sous un jour nouveau. Tout comme le temps s’écoule à l’infini rendant chaque instant unique et précieux, la lumière qui me les révèle varie sans cesse : paysages, visages, lieux épousent ainsi inéluctablement ses variations, tout aussi nomades que le temps.
Mais sans lumière, quel plaisir pourrions-nous retirer de nos yeux ? D’où ma gratitude à l’égard du jour et de la clarté qui génèrent en moi une forte émotion face à la beauté de l’instant.
Regarder relève alors de cette démarche intérieure qui s’accompagne personnellement d’un à priori bienveillant et positif me permettant d’apprécier ce que mon œil voit. La perception subjective que j’en retire fait ainsi la différence quant à la manière dont j’appréhende cette réalité. Je me laisse simplement gagner par les émotions que me procurent à chaque fois cette rencontre silencieuse avec un ciel et son reflet, un arbre ou une pierre, l’expression d’un visage ou d’un geste…
Mais en dépit de la beauté qui s’offre à mes yeux, la magie n’opère pas à chaque fois et mes images ne vont pas toujours réussir à refléter cette indicible majesté… Quelque chose alors m’échappe et m’échappera toujours. C’est là toute la poésie que recèle la photographie, cette émouvante et mystérieuse alchimie entre un photographe et son sujet, une véritable rencontre qui ne se décide pas, mais qui s’offre naturellement et que l’image laisse apparaître tout simplement parfois…
A la réflexion, j’en viens à croire qu’une photo est belle dans la mesure où elle touche aussi la personne qui la regarde.
Me mettre à l’écoute, apprendre au contact de ce que je vois, dans l’espoir de le restituer.
Photographier me permet alors de m’éveiller, de rendre tangible, palpable quelque chose d’indescriptible, d’invisible et qui me dépasse, mais qui se manifeste de façon impérieuse à l’intérieur de moi quand je suis en présence de quelque chose qui m’attire et dont l’émotion qui en découle me bouleverse et me rappelle alors combien je suis vivant, en résonance intime avec le créé.
En définitive, plus que d’exposer des photos, c’est moimême que j’expose par le biais de ces images que vous allez recréer sans doute à votre tour à partir de votre propre imaginaire, de votre propre mise en scène du vivant.